Les faces cachées du fiston

C’est évident que toute tentative d’énumérer les réalisations des 24 mois de l’alliance Lepep serait fantaisiste. Puisque nous ne faisons pas dans la construction de façades Potemkine, on vous propose un dossier un peu particulier sur notre Grand Argentier, qui aspire à se voir confier les armoiries du pays.

En focalisant sur certains événements, des faits, des confidences, des gestes et les écrits de certains de son entourage, nous avons tentés de démystifier ce personnage qui aspire à nous gouverner. Un exercice qui nous fournira des indices quant à son inspiration, sa compétence, son intégrité et surtout son aptitude à rompre avec les pratiques de ses prédécesseurs. Bref, on veut comprendre en quoi Pravind Jugnauth est-il différent des autres ?

Depuis quelques semaines, il ne cesse d’enchainer les sorties publiques et il multiplie les tentatives pour convaincre à une audience, bien qu’acquise, qu’il est un dur. A contrario de la marque Jugnauth « pas moi sa, li sa », il va à contre-sens pour affirmer que toutes les décisions controversées du gouvernement viennent de lui. Pour beaucoup, cette image frôle le ridicule et ne sert qu’à galvaniser ses détracteurs. Ce n’est pas en portant un blouson Lacoste et en lançant des défis, qu’on arrivera à convaincre le peuple qu’on a la peau d’un crocodile. Choix personnel ou stratégie maladroite de ces conseillers, disciples d’Edgar Hoover, Pravind Jugnauth sera le seul à endosser la responsabilité de ses maladresses.

Comme point de départ, il faut d’abord s’aligner sur le constat évident que la débâcle inimaginable de l’alliance PTR/MMM en décembre 2014, est un signal fort émis par le peuple pour un changement radical dans la conduite des affaires de l’état. Le peuple, soif de justice, de paix et de progrès, avait misé sur une équipe comprenant des néophytes et des vétérans, tous menés par Sir Anerood Jugnauth. N’en déplaise à la langue fourche de Collendavelloo, l’alliance Lepep avait, tout au long de la campagne, ménagé soigneusement l’opinion publique afin que le choix populaire ne se résume pas à un Pravind Jugnauth vs Navin Ramgoolam.

Il ne faut surtout pas juger le poids politique de Pravind Jugnauth par la meute d’opportunistes qui l’entoure aujourd’hui. Mis à part les membres de sa grande famille, le fidèle Basdeo Seetaram, quelques intimes à l’instar d’Azim Currimjee, l’incontournable Sherry Singh et un certain Rakesh Gooljaury, le cercle de Pravind Jugnauth reste très hermétique.  Connu comme un introverti, il fit ses débuts comme gestionnaire des fonds du parti avant de se faire élire pour la toute première fois lors des échéances municipales à Vacoas/Phoenix en 1996. Il fera son baptême de feu au Parlement grâce à l’accord contracté avec le MMM en 2000. Un résultat qu’il ne pourra rééditer en 2005. En 2009, c’est avec le soutien du PTR qu’il récupère son siège au parlement suite à une confrontation directe avec son oncle dans la circonscription de Moka/Quartier Militaire. Quelques mois plus tard, il concrétise l’alliance avec Navin Ramgoolam, au grand bonheur de New Delhi et remporte les élections de 2010, pour se retrouver comme ministre des Finances. Ce rappel démontre qu’avant les législatives de 2014, Pravind Jugnauth, à lui seul, était incapable de se faire élire, moins encore mener son parti à la victoire. Les doutes, autour d’un résultat différent, dans une logique de confrontation directe avec le tandem Berenger / Ramgoolam sont certes fondés.

Dans un entretien à Capital en 2012, il nous confie « plusieurs personnes de mon entourage disent que je suis naïf ». Lors de sa condamnation dans l’affaire Medpoint, il songeait même à sa retraite politique. Son histoire nous mène à croire que, tout comme Navin Ramgoolam, Pravind jugnauth s’est engagé, malgré lui, dans la politique. Mais contrairement au leader du PTR, la perception dégagée est que, Jugnauth Jr ne fait que suivre un itinéraire dessiné ailleurs que dans sa tête. Ce qui est sûr, le fiston a compris que c’est à ce niveau de la politique, c’est comme chez la mafia : On ne peut que sortir les pieds devant. En simple, pour se protéger du pouvoir, il faut rester au pouvoir.

Si certains, qui ont côtoyé la famille Jugnauth, affirment que Pravind a toujours vécu dans l’ombre de ses parents, l’observateur Jack Bizlall est lui convaincu que chez les Jugnauth, ce sont toujours les femmes qui décident de tout. Sans jeu de mots, il n’y a rien de mal à cela. Sauf évidement si cette emprise matriarcale s’étend à la gestion de l’état. Ce qui expliquerait ce manque de confiance ou absence de contrôle qui rejaillit du leadership de Pravind Jugnauth.

Mais, il faut noter qu’à ce sujet, tous nos dirigeants politiques ont été que des « otages » de divers lobbies ou des influences. Ce genre de clientélisme est omniprésent dans notre histoire politique. Loin des mythes attribués à SAJ se cachent des secrets bien gardés. Comme par exemple, les intérêts de ses parrains politiques qu’il a toujours défendus. Depuis le début de sa carrière, il a été le fer de lance du mouvement Jana Andolan, qui consiste à étendre l’hégémonie d’une élite hindoue dans le pays. D’où la raison de l’obsession de Paul Berenger de toujours vouloir s’associer à SAJ et ce soutien populaire en décembre 2014. C’est aussi l’absence de ce soutien en décembre 1995, qui a stigmatisé SAJ à jamais. Il avait été sanctionné pour son égarement et le népotisme gangrénant qui déferlait sur le pays. D’étranges similitudes que nous témoignions actuellement, qui nous font penser à cette citation du présentateur français, Patrick Sebastien, dans son livre ‘Le masque et les plumes’ : « La différence entre les femmes et les coïncidences, c’est qu’il y a des coïncidences qui ne trompent pas ».

Peut-il rompre avec le passé ?

Dans le fond, Pravind Jugnauth appartient à une génération de politiciens dépourvue d’idéologies et de culture politique. Alors que l’offre reste figée sur la continuité, la demande, elle, cherche désespérément la mise en place des fondations économiques et sociales, solides, adaptés aux aspirations contemporaines et besoins futures. A une époque où tous les repères ont été ébranlés et notre jeunesse zigzaguent sur la route de perdition, la solution reste indiscutablement, La Rupture. Venons-en aux faits et voyons comment Pravind Jugnauth se démarque-t-il des autres. On se base sur sa performance comme Grand argentier, ses prises de position sur des sujets spécifiques, notamment : La gestion de nos casinos, les fonds de pension, le Ring Road, l’affaire Air Mauritius et l’expropriation de la BAI.

 

Budget 2017 : Bidonnage d’état

Avec son fameux budget, présenté à l’américaine le vendredi 29 juillet 2016, Pravind Jugnauth a surpassé tous ses prédécesseurs en ce qu’il s’agit de vulgarisation de ses idées. Bien sûr, il n’y avait pas lieu de nous faire payer vingt-huit bouquets de fleurs pour nous chanter le refrain annuel des diminutions drastiques des gaspillages de l’état. Passons aussi sur le fait qu’à la veille de son discours Pravind Jugnauth avait affirmé, lors d’une conférence de presse, que 75% des projets énoncés dans le précédent budget, presenté par Vishnu Lutchmeenaraidoo avait été réalisés. Cela alors que 48 heures après, son père, le Premier ministre déclare publiquement que le budget de Vishnu Lutchmeenaraidoo était ‘irréaliste et irréalisable’. Mais dans l’ensemble, bien des observateurs avertis estiment que le budget de Pravind Jugnauth a été un bidonnage d’état savamment orchestré, avec pour but de procurer à la population un effet placebo.

A quelques semaines de la présentation du budget, plusieurs articles de presse faisaient état d’une hausse imminente de la TVA, ainsi que des mesures fiscales drastiques. Mêmes les langues les plus discrets du girond gouvernemental commençaient à chuchoter dans les oreilles de leurs agents camouflés au sein des rédactions. Les lecteurs furent servi avec des unes ronflantes assortis de points d’interrogations sans gênes. Une technique que le journaliste britannique Andrew Marr faisait ressortir dans son livre ‘My Trade’ : « Un titre avec un point d’interrogation signifie dans la majorité des cas que le sujet est tendancieux ou survendu. Il s’agit souvent d’un sujet bancal, ou d’une tentative de transformer un reportage à peine validé en controverse nationale, et, tant qu’à faire, en panique nationale ». Cette stratégie pilotée par les conseillers en communication visait à donner une douche froide à la population afin que l’attention soit braquée uniquement sur un point focal du budget, notamment les mesures fiscales. De ce fait, la non-révision de la TVA est devenue comme une mesure acclamée par la population. Il faut ici souligner que la hausse de la TVA figurait bien à l’ordre des discussions avec les technocrates qui étaient convaincus que c’était le moyen le plus facile de gonfler les caisses de l’état. Vu les circonstances qui sont loin d’être favorables, le pouvoir politique avait compris, dès le départ, qu’une hausse de la TVA serait suicidaire, mais qu’une spéculation autour d’une hausse finirait par meubler le temps et serait bénéfique le jour venue.

Tout comme son père qui présentait le budget en 1991 avait promis de vaincre la pauvreté grâce à une série de mesures quasi identiques avec une enveloppe de Rs 500 millions étalés sur 10 ans, Pravind Jugnauth a fait du combat contre la pauvreté, l’axe principal de son budget. En reprenant un slogan du très ‘spirituel’ Vishnu Lutchmeenaraidoo, le fantomatique Plan Marshall. En juin 2015, alors que la psychose de l’affaire BAI été à son apogée, une dizaine d’entreprises du privé avaient officiellement informé le gouvernement de leurs soutiens au plan Marshall. Alors qu’il n’y avait aucun plan en place et que personne ne savait ce qu’allait contenir le plan Marshall. D’autant plus, en se basant sur les explications de Vishnu Lutchmeenaraidoo sur la philosophie de son Plan Marshall, on comprend qu’au fait, il faisait allusion au New Deal de Franklin Delano Roosevelt. Un plan basé sur une politique interventionniste mise en place pour soutenir les couches les plus pauvres de la population, réussir une réforme innovante des marchés financiers et redynamiser une économie américaine meurtrie depuis le krach de 1929 par le chômage et les faillites en chaîne. Or le plan de Pravind Jugnauth est une bouillabaisse qui pue le clientélisme politique, dépourvue de mesures d’accompagnement  et des actions concrètes capables d’éradiquer la pauvreté.

Le vendredi 29 juillet 2016, Pravind Jugnauth se vantait de sa décision de rembourser avant terme, des dettes extérieures, pour un montant de Rs 4,3 milliards : “386 – With a view to reducing our exposure to foreign currency risk, we are making early repayments of some USD 120 million of external debt, that is, around Rs 4.3 billion”. Or, quelques heures à peine de ce discours au Parlement, avant même les débats sur le budget, le ministre Soodhun entamait son énième visite en Arabie Saoudite pour solliciter un emprunt de $ 120 millions. Voilà, peut-être, le pourquoi des critiques virulents de certains qui estiment « qu’on prend le peuple pour des dromadaires ».

Ring Road – Tourner la population en bourrique

Le 8 novembre 2016, lors du congrès du MSM à Grand Bois, Pravind Jugnauth déclarait « Enn simin, sa zot ine bien trouve so nom sa, Parti Travailliste. Appel sa Ring Road, tourne en rond. Sa zis dans Moris ki fer sa. Fer enn simin pou tourne en rond, li pa amenn ou okenn part. 1.3 milliard ine vine 1.7 milliard ». Faisons un bond en arrière, plus précisément en 2010, lors de la présentation du Budget 2011, pour constater ce que ce même Pravind Jugnauth avait annoncé à la population.

«242. Mr Speaker, Sir, if we want to realize the Mauritian dream, we must invest in it. 243. One of the most powerful engines to propel Mauritius on the modern development path and to support the great leap forward on productivity is its physical fabrics. Our country has the most ambitious infrastructure plan in its history. This includes the Highlands project which will be reviewed and driven by the Prime Minister’s Office, the Les Salines project, mega projects in the transport sector such as the Ring-Road around Port-Louis, the Harbour Bridge, the A1-M1 bridge, the Terre-Rouge Verdun-Ebène road, a state-of-the-art Rapid Transit System, a modern airport and port, the infrastructure for the Land-Based Oceanic Industry, the trading hub of Jin Fei, university parks to accommodate more tertiary education institutions, and more hospitals to modernize health care. Mauritius must invest more than Rs 250 billion over the next 10 years to realise these projects ».

En termes de démagogie, il fait fort le fiston. Mais, il y a pire. Si ce sont les ministres qui sont redevables envers le peuple, on ne peut ignorer les responsabilités des officiers et autres technocrates impliqués dans la conceptualisation et l’implémentation des projets. Ce que la population ignore toujours, c’est que les fissures du Ring-Road ont complètement disparues. En réalité, toute cette partie s’est écroulée depuis des mois déjà. Comme ‘mesure correctif’, l’ingénieur responsable de ce projet, blâmé par les consultants, a été promu à la tête de la RDA par le ministre MSM Nando Bodha.

La gestion des casinos – Pourquoi “rien ne va plus” ?

Il ne rate jamais l’occasion de tirer à boulet rouges sur la gestion des casinos de Maurice. Pourtant Pravind Jugnauth a bien été ministre des Finances de 2003 à 2005, de 2010 à 2011 et c’est le portefeuille qu’il occupe actuellement. S’il veut vraiment comprendre le pourquoi de ce déclin, il n’a qu’à remonter le fil des évènements depuis 1987.

La vérité, c’est que tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 1987 ont plombé les finances des casinos avec le recrutement massif d’agents politiques, l’octroi de contrats pour le transport des employés et l’attribution d’espaces pour gérer les bars. Dans l’esprit de nombreux ministres et députés, les casinos ont peu à peu remplacé la défunte Development Works Corporation. Les graines du déclin des casinos avaient été semées par Vishnu Lutchmeenaraidoo en 1987, quand il nomma Rajah Pillay directeur des casinos de Maurice en remplacement des professionnels étrangers. C’était la première phase de la politisation à outrance des structures du management, car très vite les casinos deviendront, élection après élection, le repaire des agents politiques du ministre des Finances d’abord, et ensuite du régime en place. Sunil Dwarkasing, Harry Poonoosamy, Swadecq Peerally et Baby Chuttur seront rejoints par Désiré Carré, Siddick Goorahoo et d’autres agents moins connus, tant rouges que mauves ou oranges, dépendant du titulaire aux Finances.

Le régime MSM-MMM de 1991 ne fera pas mieux. Le virevoltant, Kee Chong Li Kwong Wing, qui avait succédé à Rajah Pillay, sera sommé d’abandonner son poste de directeur des casinos et celui du National Mutual Fund pour des raisons encore inconnues jusqu’ici. Rajiv Servansingh sera appelé à la rescousse. Les travaillistes, en alliance avec les mauves, perpétueront la tradition de ‘lev pake ale’ en installant le très controversé Soubash Seeruttun, pour plus tard le remplacer par Preetam Prayag, un gestionnaire qui sera très vite débarqué. Ensuite, Rama Sithanen et son inséparable conseiller Benu Servansingh ont porté l’estocade en installant des agents travaillistes comme Raj Woodun, Satish Jagarnath, Balraj Doorgaparsad et Baboo Gowreesungkur à des postes de responsabilité pour lesquels ils ont très peu, ou alors pas du tout, de compétences. Mais plus grave, en autorisant la Gambling Regulatory Authority, dirigée par le tandem Hiren Jankee-Clive Auffray, à procéder à la distribution, à tour de bras, des permis pour des casinos dans les villes et les grandes agglomérations rurales, ils ont accéléré le processus de désintégration des casinos. De ce constat, on peut affirmer que le MSM, ainsi que Pravind Jugnauth, ont une part de responsabilité non négligeable par leurs actions ou inactions dans le pourrissement de nos casinos. Crier sur des caisses de savon ne servira qu’à faire des bulles qui lui éclateront au visage.

 

La gestion des fonds de pension – l’ostracisme vs le népotisme

Durant ces dernières semaines, Pravind Jugnauth multiplie ses attaques contre les patronymes blancs qui, selon lui, bénéficient injustement d’une pension de l’état. Ce sont là des déclarations de nature rétrograde et discriminatoire. Capital est le seul titre de l’ile à avoir dénoncé systématiquement les abus des conglomérats issus de l’oligarchie sucrière. Mais cela ne nous empêche pas de reconnaitre et de faire respecter les droits légitimes de ces hommes et femmes, entrepreneurs du secteur privé traditionnel. Pravind Jugnauth peine à comprendre que pour la grande majorité de ce pays, particulièrement les jeunes, cette pratique de l’ostracisme est dégoutante et dépassée. Des jeunes qui se demandent s’il tient le même langage lorsque son parti quémande des donations auprès de ces « blancs ».

Par contre, ce que le peuple voudrait bien savoir, pourquoi Pravind Jugnauth a sanctionné le rachat des propriétés de Victor Seeyave, Altima et Ébène Heights, par le National Pensions Fund (NPF), pour un montant de Rs 780 millions. Cette transaction avait eu lieu le 24 décembre 2010, quelques jours avant l’entrée en vigueur du Capital Gains Tax introduite justement par ce même Pravind Jugnauth dans son budget. Bien que c’est le rachat du clinique Medpoint par l’état qui monopolisait l’attention ces temps-ci, celui d’Altima et Ébène Heights est passé inaperçu. Ce projet de « tantine Leela » est considéré par les observateurs comme un complot contre l’état. D’abord, la rationalité de ce rachat pour abriter les bureaux du gouvernement, alors que l’immeuble de la NPF à Rose Hill est pratiquement vide, le prix validé par le « Professional Valuer » P. Ramrekha, qui est nettement supérieure, la viabilité financière de cet investissement, et bien sûr, les motivations qui ont poussés la ministre à écrire officiellement au notaire Dassyne, lui demandant d’accélérer les procédures de rachat.

Durant ces derniers mois, il a été beaucoup questions de puiser dans les fonds de la NPF et du NSF pour financer le projet de Highlands City ainsi que l’abyssal NIC. Ce qui nous pousse à penser qu’avant de s’en prendre au Rs 5 000 non réclamés de quelques « blancs », Pravind Jugnauth doit s’assurer que nos fonds de pensions cessent de broyer du noir.

 

Air Mauritius – le « backseat pilot »

Lors de son pèlerinage politique, Pravind Jugnauth se fait un malin plaisir pour s’en prendre à Megh Pillay et de justifier ses décisions. Le plus drôle c’est quand il se défend d’être un lâche, alors qu’il s’attaque à une personne apolitique, bâillonnée par le silence, meurtrie par des calomnies et sans moyens de se défendre.

Se débarrasser de Megh Pillay pour avoir émis des avis contraires sur la politique de la compagnie est une explication burlesque qui ne tient pas la route. Mais en se prêtant au jeu, on découvre que les positions de Megh Pillay sont pertinentes pour la survie de la compagnie nationale de l’aviation. L’ancien CEO d’Air Mauritius est connu comme un dur partisan de l’étatisation et la résistance face au souhait de certains au gouvernement pour une reprise par les compagnies du golfe était inadmissible. Surtout qu’une alliance avec Emirates allait faire de Dubaï, l’unique correspondance reliant n’importe quelle ville du monde. L’idée de Megh Pillay se porte plus sur une consolidation de partenariats existants et un meilleur usage des accords bilatéraux (Bilateral Air Service Agreements – BASA) signé avec au moins 35 pays. Ces accords donnent le droit aux compagnies aériennes de ces pays de desservir Maurice à hauteur de 22 000 vols sur une base annuelle. Et pourtant, ces pays n’exploitent même pas 40 % de ces possibilités. Autre contentieux, ce sont les décisions stratégiques prises hors du conseil d’administration et plus précisément par certains conseillers au PMO qui ne possèdent pas la moindre expertise dans ce domaine. Sans compter bien sur les nombreuses ingérences politiques que Megh Pillay devait gérer au quotidien. Cela alors que l’une des conditions de son acceptation à ce poste était justement, qu’il aurait le champ libre pour redresser la barre.

Selon les confessions de Pravind Jugnauth, il était au courant de ce qui se passait chez Air Mauritius, et du fait qu’il s’est ingéré dans cette affaire, en tant que ministre de la République, il est tenu de s’expliquer sur le choix de ses décisions. Notamment : a) Comment il a pu cautionner qu’un cadre recruté pour diriger les ressources humaines de la compagnie (mettons de côté l’absurdité de ce recrutement et les autres ramifications familiales), sur une base contractuelle soit reconverti en employé permanent ? ; b) Comment le cadre en question recruté pour diriger les ressources humaines peut être choisi pour diriger le département commerciale alors que les critères requis pour ce poste sont totalement différents ? ; c) Pourquoi avoir eu recours à une réunion d’urgence pour licencier le CEO à quelques minutes du comité disciplinaire si le conseil d’administration de la compagnie devait se rencontrer dans les 10 prochains jours ?  d) Comment et pourquoi des assesseurs, dont l’allégeance politique est connue, sont nommés à la dernière minute pour assister le président du comité disciplinaire ?

N’est-ce pas là, la preuve flagrante que la révocation de Megh Pillay n’est aucunement liée à des différends d’ordre stratégique, mais plutôt à des tactiques qui vilipendent le fondement même de la gouvernance, avec des objectifs népotiques ?

Quant à SAJ, ce qu’il omet de dire à la population, c’est que la décision de suspendre Mike Seetaramadoo avait été prise dans son bureau, à son retour de New York. Il avait le choix entre accepter la démission de Megh Pillay ou le laisser opérer en toute indépendance. Si on qualifie des personnes qui font écraser un avion de terroristes, comment décrire ceux qui prennent en otage tout un pays et font écraser toute une compagnie d’aviation cotée en bourse?

 

L’affaire BAI – Hypocrisie absolue

Il a été un des rares à se faire très petit sur l’affaire BAI. Au fait on compte trois interventions sur ce sujet au cours d’avril 2015 à juin 2015. Ce qui est fort intéressant, c’est que lors de sa conférence de presse du 19 avril 2015, le leader du MSM, déclare aux journalistes que « le vrai débat ne serait pas de savoir si c’était un Ponzi Scheme ou pas. Pour nous, il y a eu un vol de l’argent de la population. Le public a mis de l’argent dans un scheme qui a été utilisé pour acheter des biens ». Face aux questions sur le financement de sa campagne par Dawood Rawat, il répondait « En 2010, quand j’étais en alliance avec Navin Ramgoolam, il avait demandé à Dawood Rawat de nous donner une contribution pour les élections générales. Autant que je me rappelle, le MSM a eu une contribution ». Il faut quand même avouer que c’est bizarre que c’est Navin Ramgoolam qui aille demander à Dawood Rawat de faire des donations au MSM. Encore plus bizarre qu’un Jugnauth ne se souvienne pas d’une somme d’argent qu’on lui ait remis. Surtout quand il s’agit de Rs 25 000 000. C’est la somme que des personnes impliquées dans cette transaction nous ont avancés. Espérons que lors de son prochain émission à la télé, ce bon inspecteur Badhain va parader une copie du chèque.

Déjà la volonté de Pravind Jugnauth à ne pas débattre sur le Ponzi en dit long. Mais ce qu’il ne peut nier, c’est sa proximité avec la BAI. Parmi les biens dans lesquels la BAI avait investi, on retrouve le nom de Sands Suites Ressort & Spa, détenu par des proches de Pravind Jugnauth. Autres confidences de Dawood Rawat lors de l’entretien accordé à Capital : deux rencontres avec SAJ. Le premier alors que SAJ était en poste à Réduit, ce dernier lui avait personnellement demandé de racheter la fameuse clinique Medpoint. Déjà avec l’hôpital Apollo à rentabiliser, Dawood Rawat ne pouvait investir l’argent des épargnants dans les ruines de Medpoint. La deuxième rencontre a eu lieu à La Caverne, juste après la cassure de l’alliance MMM-MSM et SAJ a sollicité le soutien de Dawood Rawat en marge des législatives. Ce qui nous laisse deviner quel genre de soutien SAJ faisait allusion. Car, on ne demande pas à un Dawood Rawat d’aller coller des affiches, encore moins de placer des étendards.

Quant à l’implication de SAJ dans l’expropriation de la BAI, contrairement aux déclarations publiques du 3 avril 2015, lors d’une rencontre avec des imams et autres représentants de la communauté musulmane, tenue quelques semaines plus tard, ce super conseiller, expert en dragage, affirmait que SAJ ainsi que son fils n’y sont pour rien dans cette affaire. Il avançait meme « ou croire, ene bolom sa laz la, nou pou lev li 3 hrs dimatin ? li pa ti conne narien ladan ». Disons que c’était une reprise du refrain « Pas li sa. Bane la sa ».

 

Étoffe de songe

Les avis divergent en ce qu’il s’agit de la carrure politique de Pravind Jugnauth. Pour certains, son parcours est celui d’un enfant gâté, complètement déconnecté du peuple et dont la parole ne vaut pas grand-chose. On entend dire qu’il est sous l’influence de sa femme et de sa belle-famille. Pour d’autres, il possède les qualités requises pour prendre le flambeau du parti et la tête du pays. Mais les avis dans un pays insulaire comme la nôtre sont comme les feuilles de songes qui se plient dans le sens du courant. La preuve, on vous propose quelques écrits publiés, pas trop lointains, d’un très proche collaborateur de Pravind Jugnauth.

« …Le parcours de son père devrait suffire pour faire comprendre à Pravind Jugnauth qu’il lui reste du chemin à faire… beaucoup de chemin. Ou peut-être l’a-t-il déjà compris, lui qui a sans doute commis la grossière erreur de vouloir faire de la politique comme son père, en oubliant au passage qu’il fallait convaincre, sur la durée, l’électorat. Monter sur des caissons de camion pour déverser sa haine sur son ennemi du jour à travers des expressions de bas étage ne se résume qu’à une banalité archi-répétée lors des rassemblements publics. Lorsqu’on est le fils du très respecté Sir Anerood Jugnauth, on a le devoir de ne pas prêter le flanc pour se faire traiter de « ti crétin », de ne pas tomber dans la bassesse en traitant son oncle de « gros fey » et de ne pas prendre du plaisir à ces jeux idiots… »

« …. En choisissant de faire de la politique, il convenait à Pravind Jugnauth d’apporter un souffle nouveau dans la façon de procéder, et de développer sa propre identité. S’entourer de dinosaures tels que Showkutally Soodhun pour s’engouffrer dans une méthode qui date de Mathusalem ne pouvait être qu’un faux départ. Pravind Jugnauth a grandi et a été bercé par le pouvoir et l’argent. Il n’y avait donc aucune raison pour qu’il soit à la recherche de ces deux éléments. S’il veut vraiment servir son pays, il serait peut-être temps qu’il pense à ranger ce costume de politicien entouré de « meter choula » et d’opter pour la posture plus élégante des patriotes visionnaires et modernistes. Car à l’heure où nous en sommes, il n’y a, pour l’histoire, qu’un seul Jugnauth : Sir Anerood… »

« … Si l’intention de Pravind Jugnauth est d’imiter son père – réputé dans le temps pour ses « prouesses » verbales pour déstabiliser ses adversaires politiques – il s’éloigne sans doute de son objectif. En usant d’un vocabulaire d’une telle bassesse, il se rapproche plutôt d’un Dinesh Ramjuttun. Une pâle copie de Sir Anerood Jugnauth. Nous assistons sans doute ici à un phénomène étrange. Un leader, qui se veut celui de la modernité, s’amourache d’une ligne de pensée arriérée. En persistant dans cette voie, Pravind Jugnauth risque bien de devenir un élément anachronique. Ce n’est, en fait, qu’une question de temps. Une simple analogie est amplement suffisante afin de décortiquer l’attitude de Pravind Jugnauth et démontrer qu’une fois acculé, il se laisse emporter par des phlegmes verbaux.

« …Si toute alliance politique se termine par un divorce, tous les partenaires d’hier sont-ils obligés, comme cela a été le cas jusqu’ici, de devenir les ennemis de demain ? Pravind Jugnauth compte-t-il continuer dans cette voie malsaine, lui qui se présente comme le leader « différent des autres » ? Mais peut-être, après tout, qu’il a raison. Surtout si on tient en ligne de compte que l’ex-ministre des Finances qu’il est – ayant occupé le fauteuil à deux reprises – est aujourd’hui indifférent à la situation économique du pays. En attendant son analyse éclairée, nous devrons nous contenter de l’ivresse verbale du leader … »

« … QU’EST-CE QUI FAIT COURIR PRAVIND JUGNAUTH ? Quelles sont les réelles motivations du leader du Mouvement socialiste militant (MSM), Pravind Jugnauth, dans le dossier du ‘tender’ alloué récemment par le ‘Mauritius Duty Free Paradise Ltd’ (MDFP) pour l’approvisionnement de la boutique hors-taxe à l’aéroport ? C’est la question qu’on est en droit de se poser compte tenu du nombre de conférences de presse consacrées par le leader du MSM à ce dossier, donnant l’impression de s’être transformé en lobbyiste de l’un des soumissionnaires non-retenus …. »

Voilà qui doit soutenir la théorie de certains psychanalystes sur l’omniprésence de la schizophrénie. On constate que chez l’homme politique, cette tendance est beaucoup plus prononcée. Elle se caractérise par des hallucinations ou des idées délirantes. Dans le giron politique, les mythes abondent et en bousculant les convictions les plus profondes, on constate que ces croyances ne sont que des mirages qui ne résistent à aucune logique. Chez la plupart de nos politiciens, le mensonge est religion et à force de gargariser ces mensonges, on finit par en faire des vérités. Evidement cela se fait avec la complicité d’un peuple crédule et des medias proxénètes.

Embusquée derrière le débat autour de la légitimité de l’accession de Pravind Jugnauth à la tête du pays, se trouve une question plus pertinente : Quelle est la vraie face de ce dernier ? Derrière l’image qui lui colle à la peau se cache une autre face méconnue de la population. C’est du moins ce que notre analyse nous porte à croire.

Si dans l’ordre politique, la force brutale et visible est l’instrument par lequel exerce son influence, par contre l’ordre politico-affairiste nécessite une subtilité et une discrétion totale. En fait plus on parait con, plus on reste au-dessus de tout soupçon. Dans ses premiers rôles, Pravind Jugnauth s’occupait personnellement des finances du Sun Trust et du MSM. Dans le milieu on le reconnait comme quelqu’un d’intraitable en affaires. Dans ses récents meetings, il nous fait rappeler qu’il était avocat de formation et qu’il a eu une carrière très riche. Selon les archives du magazine « Le Nouveau Militant », Pravind Jugnauth aurait représenté des centaines de sociétés venues s’installer à Maurice. Parmi on se souvient des Rs 5 millions empruntés de la Delphis Bank et convertis en honoraires pour des services futures, quelques jours avant la fermeture de la banque. Le procès intenté contre l’état pour rupture de contrat de location avait rapporté Rs 45,2 millions d’indemnités au Sun Trust. Les critiques de l’époque parlent de la « mollesse » des représentants de l’état dans cette affaire. Mais, à entendre certains de ses collaborateurs, ces chiffres sont dérisoires en comparaison avec les marges générées par les investissements de Pravind Jugnauth dans plusieurs secteurs de l’économie. Entre autres, l’hôtellerie, l’immobilier, les services financiers… Bref, ces détracteurs ont beau dire qu’il a l’air con, mais ce qui est certain, en affaires il a du coffre le petit.

Quant à sa « virilité » politique, il a agi depuis des décennies en mode furtif, passant sous le radar en attente du moment propice pour surgir. Un choix délibéré qui impacte sur son poids politique. A ne pas négliger aussi les contradictions internes auxquelles il a dû faire face et qui contribuent largement à la propagation de cette image de « poupet dookia ». N’empêche, le « baby Face » a esquissé quelques manœuvres dignes du petit Prince qui méritent une attention particulière. D’abord, le phénomène Rakesh Gooljaury. Contrairement à la croyance populaire, la montée fulgurante de Rakesh Gooljaury ne date pas de 2005. Après ses débuts comme marchand ambulant, Rakesh Gooljaury connaît un passage dans le business de l’habillement bas de gamme. Il touche un premier jackpot avec ses magasins de marque à Belle Mare, qu’il obtient grâce à un soutien tacite de plusieurs politiciens du régime MSM-MMM. Des documents montrent des prêts faramineux accordés par la State Bank of Mauritius (SBM) à de multiples sociétés de Rakesh Gooljaury depuis 2003. Durant la campagne de 2005, l’Alliance sociale promet un nettoyage en règle du pays et des actions contre des proches de l’ancien régime. Parmi, le nom de Rakesh Gooljaury est cité. A peine quelques semaines après la prise de fonctions du gouvernement de Navin Ramgoolam, Rakesh Gooljaury trouve moyen d’amadouer Arvin Bolell qui le mènera à Navin Ramgoolam. En matière de charme, Navin Ramgoolam a trouvé son maître en la personne de Rakesh Gooljaury. Sous cette couverture de « bro », il s’amuse à jouer le père noël auprès des politiciens, hauts fonctionnaires et des cadres du monde bancaire, tout en cachant sa véritable mission. En réalité, Rakesh Gooljaury était le cheval de Troie, laissé par Pravind Jugnauth, que Navin Ramgoolam prenait pour son doudou. Durant la période 2011–2014, plusieurs dossiers et informations, plantés dans les deux « grandes » rédactions du pays, portent les griffes de Hugo Boss. Dans certains cas, les dossiers étaient montés de toutes pièces. L’astuce était d’une simplicité déconcertante. Il suffisait de parsemer quelques feuilles de « cotomilli » de Carreau Laliane pour nous faire gober ces histoires. Pour les services rendus, Rakesh Gooljaury bénéficie aujourd’hui d’un soutien inconditionnel, ce qui lui permet d’avoir un pouvoir que même les élus ne possèdent pas.

Comme révélé précédemment par Capital, le projet Heritage City n’a jamais fait partie des plans de Pravind Jugnauth. Pour lui, c’est son rêve de concrétiser le projet de Highlands City qui compte. Quitte à faire leurrer toute une population entière et dépenser des millions. Lors de la présentation de son budget le 29 juillet 2016, Pravind Jugnauth savait déjà que le projet Heritage City allait être abandonné. Il a profité de l’euphorie artificielle créée autour des mesures budgétaires et la prestation théâtrale de son bon valet, Gerard Sanspeur, pour saborder le projet que son gouvernement avait présenté au peuple. Et le comble, sur le coup, personne ne voyait la supercherie et tous acclamaient Pravind Jugnauth en héros. D’une pierre, Pravind Jugnauth réussissait deux coups : Premièrement, il désamorce la bombe Badhain en utilisant une stratégie très british « Give him enough rope and he’ll hang himself » et deuxièmement ce coup de massue était aussi un rappel aux autres aspirants leaders du parti, qu’un dauphin ne peut succéder à un requin. Et ce n’est pas Madan Dulloo qui nous dira le contraire.

La réconciliation avec Vishnu Lutchmeenaraidoo est aussi l’initiative de Pravind Jugnauth. Cette manœuvre lui a permis d’éviter un départ prématuré qui aurait occasionné au passage une élection partielle. De plus, il accorde beaucoup d’attention aux relations avec les leaders de l’alliance. En s’appuyant sur Ivan Collendavelloo pour lui prodiguer des conseils, Pravind Jugnauth s’assure d’une complicité dans la gestion des affaires.

Mais le germe de la discorde se trouve au sein de son parti et cela depuis la prise inespérée du pouvoir en décembre 2014. Pravind Jugnauth réalise que plusieurs de ses élus sont très encombrants. Les multiples conflits dégagent une perception que la vielle garde ou ceux de l’ère SAJ ne figurent point dans les plans de Pravind Jugnauth. Loin de s’adapter aux aléas de cette alliance conjoncturelle, il va profiter des moindres faux pas pour s’en débarrasser des gêneurs. Et c’est loin d’être fini. Le script est si limpide comme l’eau d’un oasis, qu’on voit déjà l’image de ce pseudo arabe se terrer dans le désert.

Quoi qu’il en soit, Premier ministre ou pas, Pravind Jugnauth ne pourra plus jouer à visage couvert. Il va découvrir que le peuple peut se montrer impitoyable et faire preuve d’intelligence, même si c’est de façon sporadique. Mais suffisant pour sanctionner des agissements arbitraires et des abus d’autorités. Son père, avant lui, s’est fait éjecter du pouvoir, malgré un bilan économique favorable. Or lui, avec son étoffe de songe, il va devoir faire face à des défis multiples, dans une conjoncture sans précédent. D’ailleurs, dans ce monde atypique rien n’est surprenant. On peut accéder aux commandes du pays sans être plébiscité par le peuple à ce poste ou se laisser gagner par l’usure, avant même de pouvoir y régner. Dans les deux cas, le sort ne porte qu’une seule face.

Capital Media

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