Nomination des « Law Officers » comme Senior Counsel

La publication de la nouvelle liste des nominations au rang de Senior Counsel (SC) a déjà suscité de vives polémiques dans la profession légale. Mais l’inclusion de plusieurs « law officers » ainsi que l’actuel Directeur des Poursuites Publiques aggrave la controverse. Cette fois, il ne s’agit plus seulement d’un débat de mérite ou de transparence, mais d’une question de stricte légalité.

Ce que dit la loi – L’article 9 A de la Law Practitioners Act 1984 est sans ambiguïté :

  • seul un avocat inscrit au barreau peut être nommé Senior Counsel ;
  • seul un avoué peut être nommé Senior Attorney ;
  • et cela, après au moins 15 ans de pratique.

Les « law officers » n’y figurent pas. Or, à l’article 9B, le législateur mentionne expressément les « law practitioners » (avocats, avoués, notaires) et les « law officers » comme deux catégories distinctes. Leur absence à l’article 9A ne peut qu’être volontaire : ils sont exclus du champ d’application.

Les « law officers » sont des postes statutaires, non des avocats – Les  « law officers » sont régis  par la Law Officers Act 1957. Leur hiérarchie est fixée par l’annexe de cette loi : Solicitor-General, Parliamentary Counsel, State Counsel, State Attorney, etc. Ce sont des fonctions de l’État, non des titres professionnels du barreau. Ainsi, un « Senior Assistant Parliamentary Counsel » n’est pas « Counsel » ni « Senior Counsel » : il est simplement titulaire d’une fonction administrative prévue par la loi. Lui attribuer le titre de SC revient à mélanger deux régimes juridiques distincts.

L’article 7 de la Law Officers Act ne peut pas être dévoyé – Certains invoquent l’article 7 de la Law Officers Act, selon lequel les law officers « jouissent des droits et privilèges d’un barrister ». Mais cette disposition doit être lue en cohérence avec la loi elle-même.

  • Elle leur accorde uniquement le droit de plaider devant les tribunaux (right of audience).
  • Elle ne les transforme pas en avocats inscrits au barreau.
  • Elle ne leur confère pas les privilèges professionnels réservés aux barristers, tels que la possibilité de choisir ou refuser des dossiers, de fixer leurs honoraires ou de bâtir une pratique indépendante.

Or, les « law officers » ne commandent pas de briefs. Ils n’agissent jamais pour des clients privés : ils plaident exclusivement pour l’État, sur instructions hiérarchiques.

Un problème hiérarchique absurde – La hiérarchie des law officers est claire : Attorney-General → Solicitor-General → Parliamentary Counsel → adjoints et assistants → State Counsel. Si l’on confère le titre de SC à un junior – comme ici un Senior Assistant Parliamentary Counsel – sans que le Parliamentary Counsel ne le soit, on inverse cet ordre. En audience, le junior, en tant que SC, prendrait place sur le premier banc du barreau, devant son propre supérieur. C’est une situation incohérente et contraire à la structure fixée par le législateur.

Pourquoi cela mine le système ? Le titre de Senior Counsel n’est pas un simple droit procédural de plaidoirie. C’est une distinction professionnelle au sein du barreau, réservée à ceux qui, après des années de pratique indépendante, ont acquis l’autorité et la reconnaissance de leurs pairs. Les « law officers » eux, sont des fonctionnaires et leur légitimité vient de leur fonction étatique, non d’une pratique libre et indépendante. Les élever au rang de SC revient à brouiller la frontière entre deux mondes que la loi a volontairement séparés.

Déjà contestée pour son opacité, la liste des SC devient intenable avec l’inclusion de law officers. C’est contraire à l’article 9A de la Law Practitioners Act, incompatible avec la Law Officers Act, et cela dénature le sens même de « Senior Counsel ». La nomination des « law officers » doit être suspendue. Car tant qu’aucune réforme législative n’est votée, nommer des law officers comme SC demeure un acte ultra vires, et une atteinte à la crédibilité de la profession comme au respect de l’État de droit.

Caprio Frank

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