Barre à gauche toute

Il voulait être entrepreneur et son cœur balançait entre publier un journal gratuit ou vendre des kebabs. Il a fini par être trader sur les marchés financiers et arrive à réaliser 6,5 %, lors des législatives de 2014. Alors que d’autres de sa profession s’entassent à droite, lui, il fonce sur les grandes prairies à gauche. Rencontre avec le papillon Kugan
Kugan Parappen, que représente cette joute électorale pour l’avenir politique de notre pays ?
Hormis les membres du gouvernement, aucun autre parti politique ne prend cette partielle à la légère. Au contraire, cette partielle sera déterminante pour l’avenir politique du pays. Les habitants de Quatre-Bornes/Belle-Rose ont une lourde responsabilité – ils doivent décider de l’avenir du pays ! Pas une mince affaire en soi. Pour la première fois dans l’histoire de notre jeune république, les béquilles ont été rangées au placard. La contre-performance de l’alliance Ptr-MMM y est pour quelque chose dans la mesure où les états-majors politiques se sont rendu compte que 1+1 n’est pas nécessairement égale à 2 en politique. Le 17 Décembre, ce sera soit ‘business as usual’ ou ce sera une date à marquer d’une pierre blanche dans nos livres d’histoire. Cette élection a des allures de la partielle au numéro cinq en 1971 où l’élection de Dev Virahsawmy a marqué une rupture politique. Je suis confiant que Rezistans ek Alternativ sera l’un des grands gagnants de cette présente joute électorale, et ci-faisant la rupture politique aussi…
Il se trouve que le point de départ de chaque parti politique, c’est de rendre les gens heureux. Hors nous constatons que les divers partis qui ont jouis du pouvoir ont laissez un gout amer, d’où la raison de cette méfiance contagieuse. En quoi le parti que vous représentez est si diffèrent ?
Cette méfiance dont vous parlez est totalement justifiée dans la mesure où la grande majorité des partis politiques ont préféré se focaliser sur le bonheur de leur adhérants et de leur ‘inner circle’ au lieu de mettre en place une politique pour maximiser le bien-être social. Mon parti a repris le flambeau du Parti Travailliste des années 1930 et celui du MMM des années 1970. Les deux partis en question ont depuis longtemps abandonné les valeurs qu’ils représentaient au moment de leur création. Aujourd’hui il n’y a plus aucune idéologie qui guide leur trajectoire si ce n’est l’envie du pouvoir. Des problèmes démocratiques internes accrus sont grandement responsable de leur échec. Le mutisme incroyable du Parti Travailliste et du MMM dans le scandale de la New Mauritius Hotels (NMH) démontre clairement le niveau élevé de pourriture de notre écosystème politique traditionnel. Nous sommes différents ! Déjà parce que nous on arrive à dénoncer des irrégularités dans le système financier sans avoir à se soucier de réprimandes éventuelles de nos riches bailleurs de fonds ; nous n’en avons point. Vous vous rendez compte que la majorité des mauriciens ne connaissent rien à l’affaire NMH parce que les ultra-puissants de notre économie ont bâillonné les principaux partis politiques et la majorité de la presse dite indépendante. C’est quand même incroyable en 2017, non ? Pour pouvoir amener la société mauricienne à bon port, il est important qu’un parti politique soit totalement indépendant. Et nous le sommes. Cette indépendance peut paraitre banale mais elle ne l’est pas. Elle est essentielle à n’importe quel projet de société de gauche.
Ça fonctionne comment, une économie de gauche ?
Je ne crois pas qu’il y ait une économie de gauche de référence pour la bonne et simple raison que l’interprétation de la gauche en elle-même est tout un débat. Les sensibilités politiques sont un peu comme les couleurs ; on peut aimer la même couleur mais en nuances différentes. Rezistans ek Alternativ est un parti éco-socialiste. Nos membres se retrouvent autour de certaines valeurs principales, notamment la justice sociale, le rejet du communalisme, la préservation de notre environnement, le respect des droits humains, le rejet de la corruption et l’égalité des chances. Notre but est de construire une économie autour de notre société et non pas une société autour de notre économie comme c’est le cas aujourd’hui. L’économie de gauche à laquelle on aspire devra s’articuler autour des valeurs mentionnées ci-dessus. Par exemple, plus question d’exploiter les travailleurs ! Le salaire minimum est une nécessité si on veut progresser. Malheureusement beaucoup à Maurice se contentent d’une supposée amélioration du quotidien générationnelle et ignorent le progrès qui se fait ailleurs. Voulons-nous devenir les iles Caïmans de l’Océan Indien où peut-on aspirer à emboiter le pas aux pays nordiques tels que l’Islande ? En sachant que les iles Caïmans pratiquent l’ultralibéralisme économique comme pas deux dans le monde, au grand dam de la population locale et que les pays nordiques sont les pays qui sont souvent classés comme les pays où il fait bon vivre. Le citoyen mauricien se doit de décider, soit il choisit le chemin qui fera de son ile un havre de paix et de bien-être ou il choisit le chemin qui mènera ses enfants à fuir l’ile dans un futur pas trop lointain quand le cout de la vie à Maurice sera hors de leur portée.
Au début des années 80’s on assistait à une croisade contre les 14 familles qu’on disait puissantes au point de contrôler l’économie. Les observateurs s’accordent à dire que ce chiffre est passé à quatre, mais avec un plus grand contrôle de non seulement du pouvoir économique, mais aussi du pouvoir politique. Souscrivez-vous à ce constat ?
Totalement. L’élite règne en maitre dans ce pays. D’ailleurs Rezistans ek Alternativ remet en question l’Independence acquise il y a maintenant cinquante années.  Sommes-nous vraiment indépendant ou vivons-nous dans un état néocolonial où les puissants de l’ère pre-independence jouissent toujours d’un contrôle économique et politique presque totalitaire. A mon humble avis, 1968 n’est que cosmétique. On a remplacé la reine anglaise par des nouveaux petits rois locaux. Ramgoolam fils, Duval fils, Jugnauth fils , cela vous rappelle quoi ? Une démocratie ou bien les reliques d’une monarchie ? Sinon, on peut aussi écrire Ramgoolam II, Duval II, Jugnauth II. Nos amis les Français ont dû attendre jusqu’à Louis XVI pour renverser la monarchie, va-t-on attendre aussi longtemps ?
Cette campagne contre les partis traditionnels, n’est-elle pas un peu démagogique ?  Du moins dans le sens que, si votre parti arrive à se faire élire lors des deux prochaines échéances électorales, cela fera de vous un dinosaure de plus.
Qu’on me conduise sur l’échafaud si je fais plus de deux mandats au sein d’un gouvernement! Comme mentionné précédemment, nos leaders politiques sont accrocs au pouvoir et n’arrivent pas à montrer le bon exemple. Un parti politique ne peut être qualifié de dinosaure. Un leader, certainement. Nul mortel ne peut être plus grand que l’idéologie d’un parti. A Maurice, on a malheureusement tendance à se prosterner devant l’idéologue plutôt que l’idéologie. Mon ambition n’est pas de remplacer nos hommes et femmes politiques actuels mais bel et bien de faire évoluer notre système. Mauritius 2.0 ! Voilà pourquoi l’alternative est supérieure à l’alternance…

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