Edito de Rajen Valayden : Le cardinal et les pigeons

Pour certains, on devrait lui décerner le titre de « Personnalité de l’année 2016 ». Un peu à la manière du cardinal de Richelieu, ce personnage est devenu incontournable au sein de ce pouvoir « monarchique ». Il est à la fois philosophe-spirituel, gestionnaire, urbaniste, spécialiste de l’investissement, économiste et c’est sans compter les titres conférés par les médias.

Au sein de cet entourage crétinisé où l’hédonisme est devenu norme, notre homme fait figure de lumière, voire même devenir l’Éminence orange. Sur Facebook, il est une véritable star qui a su s’imposer, comme une source d’informations insoupçonnable. Sa popularité est telle, que la grande majorité de la population lui a donné la communion sans confession. Faisant feu de tout bois, il devient, en 24 heures, le chouchou des médias, enchainant les entretiens savamment cousus.  Il exhibe sur son mur virtuel les flatteries des autres à son égard. En termes d’auto-glorification, il fait pâlir les fascistes du duché Mussolini en faisant subtilement allusion à une scène du film d’Ashutosh Gowariker, « Mohenjo Daro » qui démontre la star Hrithik Roshan aidant des villageois à fuir le déluge. Une performance qui séduit même le grand charmeur : Navin Ramgoolam.

Mais en réalité, le cardinal nous prend pour des pigeons. Et il n’a pas tout à fait tort, car, comme dirait L’Oréal « Parce que vous le valez bien ». En agissant comme des ploucs et des zouaves, nous préférerons toujours l’indifférence des ombres à la lumière de la vérité. Dans un article en date du 9 août 2016, intitulé, « Heritage City : La résurrection » Capital dénonce ce subterfuge qui consiste à noyer le poisson. L’euphorie dégagée par l’annonce de l’abandon du projet burlesque de « Heritage City », avait anesthésié vos neurones. Cette fâcheuse habitude de patauger dans l’approximatif et le superflue, ainsi que la sous-traitance de votre réflexion aux médias, ont assuré la réussite de la démarche machiavélique de notre cardinal marionnettiste.

Celui qui prétend décrypter les enseignements si complexe du Mahabharata se montre incapable de capter le désaveu unanime exprimé par le peuple, sur le projet de Heritage City. Pourtant le « NON » retentissant du peuple est d’une simplicité déconcertante. La colère du peuple repose sur  le fondement même  du projet et non  sur le choix du lieu à savoir « Minissy »,  « Bagatelle » ou encore « Highlands ». C’est un rejet, pur et simple de ce projet dans le fond et quel que soit sa forme. Alors qu’un des critiques émis contre Roshi Badhain était justement son empressement à réaliser le projet« Heritage City », il se trouve qu’en deux mois, le projet de ville administrative de Highlands a trouvé investisseurs et preneurs. Sans compter que la maquette est déjà au stade de validation. Quel délire ? Je suis bien tenté de dire saloperie. Bof…

Bien qu’avec une cervelle de pigeon, vous avez sans doute deviné l’identité du cardinal auquel je fais allusion et qui je dénonce comme l’architecte de ce fumisterie. Cette cervelle de Columbidae vous poussera à reconnaitre que les raisons avancées pour justifier l’abandon du projet « Heritage City » sont aussi ridicules que le projet lui-même. Mais par souci à un sujet d’une tendance populaire, notamment la bonne gouvernance, attardons-nous sur certaines interrogations.

  1. Qui avait commandité le rapport d’expertise ?
  2. Qui avait défini le cahier des charges (CDC) ?
  3. Que contenait le CDC?
  4. Comment le choix s’est porté-t-il sur la firme en question ?
  5. Est-ce qu’il y a des liens entre la firme et les décideurs impliqués ?
  6. Est-ce que ces liens ont été déclarés ?
  7. Quel est le coût de ce rapport ?
  8. D’où provient le financement de ce rapport ?
  9. A qui le rapport devrait être soumis ?
  10. Quelles sont les mesures correctives entreprises pour pallier aux menaces énoncées dans le rapport ?
  11. Est-ce que Minissy et Bagatelle ont été décrétés zones à risques ?
  12. Est-ce que les autres projets avoisinants ont été abandonnés ?
  13. Si la ville administrative de Highlands fait partie du programme gouvernemental, comment expliquer que le discours du budget 2016-2017 fasse mention uniquement de la mise en place d’un « Agri-business park » ?
  14. En termes d’aménagements, quelles sont les différences ou les similarités entre les deux projets ?
  15. Comment se fait-il que le ‘Public Sector Investment Investment Programme 2016/2017–2021’, stipule: « The Heritage City will be constructed at Highlands» ?
  16. Pourquoi est-ce que le plan (publié avant la publication du rapport) affichant la répartition des projets à travers l’île, indique que Heritage City sera à Highlands et non Moka ?
  17. Qui sont les investisseurs ?
  18. Est-ce que l’Etat compte avoir recours au « compulsory acquisition » ?
  19. Qui sont les propriétaires de ces terres ?

Autre machination qui mérite amplement notre attention, c’est le nouveau mastodonte « Landscope Mauritius ». Il a du génie, notre éminence orange. Avec un nom pareil, qui nous fait penser à la coloscopie ou rectosigmoïdoscopie, il a des chances de réussir. Surtout dans un pays où tout se résume à des histoires de cul. Si l’objectif derrière la mise sur pied du Landscope Mauritius est le regroupement des entités de l’état offrant des services quasi identiques afin de permettre l’optimisation des ressources, un meilleur service et une gestion saine, il s’avère que dans la pratique c’est loin d’être le cas. D’ailleurs un proche du pouvoir très en vue, visiblement frustré par la mise en place de Landscope Mauritius, me confiait « We are living in a country, where bedside stories become overnight, national policies ».

Cette culture de créer des entreprises étatiques est ancrée dans la philosophie du MSM. Elle ne se situe pas dans une logique d’accentuer le contrôle de l’état dans le système économique, mais par un besoin purement clientéliste. Depuis décembre 2014, ils n’ont fait que perpétuer ce qu’ils ont entrepris durant leurs précédents mandats. Avec des recrutements tout azimut, ce dopage de l’emploi plombe nos entreprises étatiques. Cela alors qu’on nous entube avec des rapports repris en refrain par les médias. Mais, que faire ? Surtout si nos pigeons se perdent dans l’admiration pour le cardinal. Comme disait Voltaire « Il est difficile de libérer les idiots des chaînes qu’ils vénèrent ». Le mieux que je puisse faire, c’est de saluer cette infime minorité qui préfère se rendre coupable de crime de lèse-majesté que de s’enorgueillir de lèches majestueuses.

Capital Media

Read Previous

La grande chevauchée

Read Next

Armoogum Parsuramen : ‘L’avidité de pouvoir mène à la folie où même le parricide se justifie’